La conservation des ressources génétiques
DEPUIS QUAND CONSERVE-T-ON LES RESSOURCES GÉNÉTIQUES ?
Les collections de plantes, notamment constituées par les semenciers et les horticulteurs, existent depuis longtemps. Mais il faut attendre les années 1960 pour que les États prennent conscience de la nécessité de mettre sur pied de véritables politiques de conservation.
À cette époque également, face à l’intensification des cultures et à la réduction du nombre de variétés utilisées, on commence à s’intéresser à la sauvegarde de variétés non directement utiles ou peu intéressantes en termes économiques.
Dans les années 1970, cette mobilisation se concrétise, sur le plan mondial, par la création de plusieurs centres internationaux de conservation des ressources, notamment sous l’égide du CGIAR (consortium sur la recherche agricole internationale). Les centres de recherche sur les espèces cultivées conduisent des programmes de sélection à destination des pays en voie de développement. Ils gèrent pour cela de grandes quantités de ressources phytogénétiques dans des banques de gènes.
Ces centres ont démontré leur utilité, en particulier suite à des guerres ou des conflits. Ainsi, le Nicaragua et le Cambodge, après les dramatiques évènements dont ils furent victimes l’un et l’autre, perdirent leurs collections de graines locales de maïs et de riz. Des semences avaient heureusement été conservées au Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), géré par le CGIAR ; les deux pays purent reconstituer leurs rizières et leurs champs dévastés.
POURQUOI LES CONSERVER ?
Les ressources phytogénétiques sont constituées de la diversité de l’espèce cultivée ou des groupes d’espèces cultivées mais aussi des espèces sauvages apparentées, dont certaines peuvent être utilisées en sélection par croisement.
Il est important de conserver la diversité des combinaisons génétiques, créées ou apparues au cours du temps, dans une grande variété d’environnements, car c’est un vivier dans lequel puiser pour créer de nouvelles variétés.
Encore faut-il que les collections rassemblant ces ressources soient gérées à bon escient, c’est-à-dire :
- Décrites par des données de passeport (donneur, origine géographique…), rendant les ressources plus facilement utilisables dans le cadre des réglementations en vigueur, selon des normes de traçabilité des échanges,
- Évaluées pour des caractéristiques moléculaires et agronomiques (génotypées et phénotypées), afin de faciliter l’accès à la diversité présente et rendre plus rapide et efficace son utilisation en sélection,
- Multipliées et conservées au sein d’une structure.
QUI S'EN CHARGE ?
Les conventions internationales
En 1983, par un engagement international adopté par la FAO, les ressources génétiques détenues par les banques de gènes internationales ont été considérées comme un « patrimoine commun de l’humanité », garantissant ainsi aux pays en développement un libre accès à ces collections.
Mais ce statut a ensuite été dénoncé par de nombreux pays du Tiers Monde qui lui reprochaient de donner un libre accès aux firmes pharmaceutiques et semencières des pays riches, sans que ces dernières ne soient tenues de redistribuer une partie des bénéfices qu’elles pouvaient en tirer.
Un virage important a été pris en 1992, lors de la signature de la Convention sur la diversité biologique, au Sommet de la Terre de Rio : désormais, chaque nation exerce un droit souverain sur ses propres ressources. Mais elle a le devoir d’en faciliter l’accès et d’assurer le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation. C’est ce qui a conduit la FAO à mettre en place un accès « facilité » aux ressources phytogénétiques au travers du Système Multilatéral du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA).
Les ressources ainsi conservées en accès facilité permettent à la communauté internationale de faire face aux défis actuels et futurs.
Et en France ?
Suite à la loi de modernisation agricole de 2010 et à celle relative aux obtentions végétales de 2011, une nouvelle organisation a été mise en place en 2016 par le ministère de l’Agriculture, qui s’occupe des espèces cultivées et des espèces apparentées sauvages, hormis les arbres forestiers, sur l’ensemble du territoire français. Elle consiste en la création d’une Section transversale du Comité Technique Permanent de la Sélection (CTPS) pour la conservation des Ressources PhytoGénétiques (RPG) et d’une structure de coordination nationale.
Les membres de la section RPG sont nommés par arrêté du ministère pour une durée de 5 ans en raison de leur compétence et implication dans la conservation, la caractérisation et la valorisation des ressources phytogénétiques sur des espèces variées représentatives de la diversité cultivée.
Les missions de la Section RPG (Arrêté du 27 mai 2016) s’organisent autour de 3 axes :
- Reconnaissance officielle des acteurs et des collections ex situ, in situ et « à la ferme » de ressources phytogénétiques cultivées
Les membres de la Section RPG ont la charge de définir les critères de reconnaissance officielle des gestionnaires de collection et de versement de ressources génétiques végétales en collection nationale en France.
- Définition des priorités et validation des actions de sauvegarde sur les collections menacées ou les « espèces orphelines »
En fonction de l’état des lieux, réalisé par la structure de coordination nationale, des collections menacées ou des espèces orphelines, les membres de la Section RPG définissent les espèces prioritaires sur lesquelles des actions de sauvegarde doivent être développées.
- Collection nationale et versement au TIRPAA (accord international sur les RPG)
La définition de la collection nationale et son versement au système multilatéral du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA) de la FAO permet à la France de respecter ses engagements internationaux.
UN EXEMPLE DE RELATION CRB/RÉSEAU PLANTES FOURRAGÈRES ET À GAZON
La France a mis à disposition de la communauté internationale, à travers le système multilatéral du TIRPAA (Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture), 531 accessions de ressources génétiques fourragères issues des travaux du CRB et du réseau.
Les « centres de ressources biologiques » (CRB) INRAE sont des centres spécialisés qui rassemblent, valident, étudient, sécurisent et distribuent des collections d’organismes biologiques vivants (semences, greffons, souches…) dans des conditions strictes de qualité et de traçabilité ; ils maintiennent aussi les bases de données associées à ces collections.
En savoir plus sur les ressources génétiques étudiées et préservées par l’INRAE
Les activités menées au sein d’un CRB visent à mettre à disposition d’un large public des ressources génétiques de qualité, destinées à être valorisées dans des programmes d’amélioration génétique (chercheurs, sélectionneurs) ou directement utilisables pour une mise en culture directe (agriculteurs, particuliers). La caractérisation et l’évaluation des ressources détenues par le CRB sont conduites à travers des réseaux nationaux associant les sélectionneurs et des associations.
L’INRAE gère ou co-gère 15 centres de ressources biologiques (CRB) pour le végétal (hors forêt). L’INRAE, avec l’appui du CIRAD, de l’IRD, du CNRS et des établissements d’enseignement supérieur agronomique ou vétérinaire, a ainsi créé en 2016 une nouvelle infrastructure nationale rassemblant tous les CRB de ressources agronomiques, dénommée RARe
En savoir plus sur l’Agro-BRC RARe (site en anglais)
Le CRB et le réseau plantes fourragères et à gazon, qui associe la recherche publique et les sélectionneurs privés, ont en charge 31 espèces dont les dactyles, les fétuques, les luzernes, les ray-grass, des formes sauvages de ces plantes et des espèces apparentées.
La conservation des ressources génétiques est assurée au champ et au sein de trois banques de graines :
- une à long terme, où sont stockées des semences à -18°C durant 25 ans avant régénération ;
- une de secours, localisée dans un autre lieu ;
- une active servant à la diffusion.
ET LES SEMENCIERS ?
Avant de conserver, il faut connaître le matériel. A ce titre, comme pour d’autres acteurs, le rôle des sélectionneurs dans les entreprises de semences est ici irremplaçable. Leur travail sur le terrain les amène à étudier chaque variété et ses caractéristiques génétiques et phénotypiques.
Ils apportent cette compétence aux réseaux de conservation des RPG auxquels ils participent, tout particulièrement pour la caractérisation, l’évaluation et la régénération des ressources génétiques. Par ailleurs, pour leur activité de sélection, ils maintiennent et enrichissent des collections de travail sur lesquelles repose la création de nouvelles variétés.
Ainsi, les sélectionneurs sont à la fois collectionneurs, conservateurs et créateurs de ressources génétiques.
SÉLECTION & CONSERVATION - EXEMPLE DU COLZA
Des sélectionneurs privés et publics mènent des programmes d’amélioration du colza. Pour cela, ils travaillent sur une collection de plus de 8.000 génotypes de cette plante. Ceux qui ne sont pas directement utilisés sont conservés au froid.
Pour enrichir cette diversité, ils font appel aux ressources génétiques des centres de ressources biologiques, des centres de recherche agronomiques internationaux et à celles de partenaires étrangers, avec lesquels des contrats de réciprocité sont passés.
Les variétés obtenues dans d’autres pays, soumises à des situations pédoclimatiques locales bien différentes, ont en effet pu développer des caractéristiques particulières : gènes de résistance à une nouvelle maladie ou permettant d’améliorer la qualité diététique de l’huile, par exemple. Cependant, le matériel à disposition ne donne pas toujours une réponse directe à tel ou tel problème. Ainsi, pour lutter contre le phoma, une maladie du colza destructrice, les sélectionneurs ont élargi leurs travaux de recherche et sélection à des espèces proches relevant du genre Brassica, comme la moutarde brune, qui est une plante apparentée au colza.