- Fixer plus rapidement les caractères
- La culture d’embryons immatures
- Faciliter l’introduction de nouveaux caractères
- Le sauvetage d’embryons interspécifiques
- L'hybridation somatique
- La mutagénèse
- La transgénèse : domaines d'application
- La transgénèse : stratégies
- La transgénèse : les étapes
- L'obtention d’une variété OGM
- Les méthodes récentes
- CRISPR-CAS9
- La biologie de synthèse
Les domaines d'application de la transgénèse
Les exemples d’application effectifs de la transgénèse ou ceux au stade de recherche sont nombreux et peuvent être regroupés en quatre grandes catégories :
- améliorations agronomiques,
- qualités alimentaires,
- production de molécules à intérêt industriel,
- et production de molécules destinées à la santé humaine.
L'AGRONOMIE
Les deux applications concrètes les plus utilisées sont l’introduction de gènes de résistance pour la lutte contre les insectes nuisibles et l’insertion de gènes de tolérance aux herbicides pour la lutte contre les mauvaises herbes. Les travaux de recherche se sont multipliés pour la lutte contre les champignons et les virus, la tolérance à la sécheresse ou encore une meilleure utilisation de l’azote… La transgénèse est utilisée quand les solutions agronomiques ou la sélection classique n’apportent pas de réponses efficaces.
La résistance à des insectes
La bactérie Bacillus thuringiensis constitue un véritable réservoir de gènes de résistance aux insectes. En effet, les différentes souches de cette bactérie du sol recèlent plusieurs protéines insecticides ayant différents modes d’action, et affectant uniquement certains insectes. Chacune de ces protéines est codée par un seul gène, c’est donc un caractère facilement transférable par génie génétique. Plusieurs équipes ont obtenu des tabacs, des pommes de terre, des cotons, des tomates, des maïs résistants à des insectes grâce à cette source de gènes.
Dans le cas du maïs, la résistance à la pyrale est conférée par le gène Cry A, appelé communément Bt. Ce gène permet la production dans les cellules de maïs d’une protéine qui fonctionne comme une toxine létale dans le tube digestif de la pyrale car celui-ci contient des récepteurs spécifiques à sa surface. Chez les autres animaux et chez l’homme qui ne possèdent pas ces récepteurs, cette protéine est simplement digérée sans aucun effet toxique.
La résistance à des maladies
Les virus, les champignons et les bactéries sont responsables de pertes importantes en production végétale. Or, il n’existe aucune méthode de traitement des maladies dues à des virus chez les plantes cultivées. Par transgénèse, il est possible d’obtenir des plantes résistantes aux virus. Ces plantes transgéniques synthétisent des protéines qui bloquent la multiplication et le développement des virus. Ainsi, il a été possible d’obtenir des courgettes et des melons résistant au virus de la mosaïque du concombre.
Autre exemple d’application de la résistance à un virus : des chercheurs de l’Institut de recherche publique brésilien (EMBRAPA) ont travaillé dix ans pour obtenir un haricot génétiquement transformé résistant au virus de la mosaïque et autorisé à la culture par la commission technique de biosécurité brésilienne en 2011.
La technique de modification sur le haricot est celle de l’interférence par ARN. Elle repose sur l’insertion de petites séquences d’acide ribonucléique (ARNsi) qui reconnaissent et détruisent l’ARN messager responsable de la production de la protéine que l’on veut éliminer. Ainsi la protéine n’est plus produire et l’effet est le même que si le gène était silencieux.
Concernant les champignons, beaucoup de variétés de pomme de terre sont sensibles au mildiou (maladie cryptogamique). Les croisements par sélection conventionnelle n’ont pas permis de créer de variétés tolérantes à cette maladie qui cause de nombreux dégâts sur le rendement et la qualité.
Une pomme de terre de table génétiquement modifiée résistante au mildiou existe. Elle contient deux gènes de résistance issus d’espèces sauvages d’Amérique du Sud, zone d’origine de la pomme de terre. Cette pomme de terre transgénique n’est pas développée actuellement en Europe.
La tolérance à des herbicides
Le glufosinate et le glyphosate sont deux principes actifs d’herbicides totaux qui détruisent aussi bien les mauvaises herbes que les plantes cultivées. Les gènes de tolérance à l’herbicide introduits dans une plante empêchent la matière active d’agir sur celle-ci, transformant l’herbicide total en herbicide sélectif pour cette plante. Ainsi l’herbicide détruit toutes les mauvaises herbes en laissant la plante cultivée poursuivre son développement. Ces principes actifs sont connus pour être moins rémanents. De nombreuses plantes transgéniques ont été développées pour obtenir une tolérance à ces herbicides. Il s’agit de variétés de betterave, colza, coton, maïs, pomme de terre et de soja.
La tolérance à la sécheresse
Les contraintes environnementales comme la sécheresse, la salinité des sols et les basses températures (stress abiotiques) affectent la croissance et le rendement des plantes. De nombreuses chaines métaboliques sont généralement affectées au cours de ces contraintes.
Les sélectionneurs ont caractérisé et développé des variétés tolérantes à la sécheresse grâce à la connaissance plus précise des gènes et de leur rôle, et aux capacités d’analyse des plateformes de phénotypage.
Un maïs OGM tolérant à la sécheresse a été testé à grande échelle en 2012 sur 4000 hectares par 250 agriculteurs dans l’ouest américain.
Il contient un gène qui intervient dans le maintien de la photosynthèse en cas de stress hydrique. Ce gène, d’abord repéré dans le cas de la résistance au froid, code une protéine qui facilite la mise en place de nombreuses réactions cellulaires. Il est associé à une séquence qui n’autorise son expression qu’en cas de stress hydrique. Ce gène est actuellement testé en combinaison avec d’autres modifications génétiques, car les essais montrent qu’une croissance efficace des plantes favorise aussi la tolérance à la sécheresse.
La résistance à la submersion lors d’inondations
Le Centre international de la pomme de terre (CIP) est situé à Lima au Pérou depuis 1971. C’est le plus important centre de recherche scientifique au monde pour les tubercules et les racines alimentaires : patate douce, pomme de terre… Il s’agit d’une association qui a pour objectif de diminuer la pauvreté, de développer la sécurité alimentaire dans les pays en développement, et à présent d’anticiper les changements climatiques.
Le CIP détient une banque génétique de plus de 5.000 variétés de pommes de terre sauvages et cultivées. En cas de catastrophes (inondations, tremblements de terre…) le CIP peut envoyer des plants des variétés détruites dans les régions dévastées pour recommencer de nouvelles cultures.
Le CIP produit également des variétés de pomme de terre génétiquement modifiées pour leur résistance aux maladies, aux pesticides et aux accidents climatiques : sécheresses, inondations…
L’utilisation de la transgénèse en recherche permet également de créer de nouvelles variétés de riz possédant un gène qui permet à la plante de résister à des inondations de plusieurs jours à 2 semaines. En effet, les moussons en Asie du Sud et du Sud-est peuvent provoquer d’importantes inondations entraînant la disparition complète des cultures de riz submergées.
Une meilleure utilisation de l’azote
La connaissance fine des mécanismes d’absorption racinaire et de la gestion agronomique de l’azote sont deux facteurs clefs de l’utilisation de la fertilisation azotée. De nombreuses études sont conduites et les premiers résultats montrent que l’efficacité de l’absorption et du métabolisme de l’azote est régulée par plusieurs groupes de gènes. Elle est d’autant plus complexe qu’elle est étroitement liée – parfois corrélée – à d’autres mécanismes globaux comme la photosynthèse ou des réponses à des stress biotiques ou abiotiques…
Un certain nombre de gènes ont été identifiés, ils sont de bons indicateurs de l’absorption et du métabolisme de l’azote, et pourraient donc être utilisés dans des stratégies de transgénèse.
Ainsi la surexpression de la glutamine synthétase chez le blé et le maïs, ou celle de l’alanine amino-transférase chez le colza ou le riz induisent : une croissance plus importante de la plante et donc de la biomasse, des augmentations du nombre et de la taille des grains, ou encore un développement de systèmes racinaires plus fins, plus denses et plus ramifiés propices à une meilleure absorption de l’azote.
Chez la plante modèle Arabidopsis, un facteur de transcription (protéine régulatrice de l’expression des gènes) intervenant dans les métabolismes azoté et carboné a été étudié. Sa surexpression favorise l’efficacité d’utilisation de l’azote. Ce résultat montre qu’il pourrait être intéressant de surexprimer des gènes régulateurs.
Ces projets sont en cours de développement et n’ont pas atteint le stade de la commercialisation.
L'ALIMENTATION
Il s’agit de modifier la composition d’une plante afin de lui apporter des avantages nutritionnels et gustatifs ou de lui conférer de nouvelles caractéristiques qui permettent de diversifier les débouchés.
Les qualités nutritionnelles
En alimentation animale, les recherches vont dans le sens d’un développement de plantes permettant un meilleur bilan nutritionnel et évitant l’apport de compléments nutritifs. Ainsi, il est possible d’obtenir des plantes de maïs, colza, soja à teneurs élevées en acides aminés, notamment en méthionine et lysine, et des maïs enrichis en huile. Concernant l’alimentation humaine, des travaux sont menés pour diminuer les propriétés allergènes du riz et du soja. Pour obtenir ce résultat, on cherche à introduire dans la plante un transgène qui inhibe la synthèse de la protéine allergisante.
L’enrichissement en minéraux et vitamines appliqué au manioc
Le manioc, tubercule très consommé en Afrique, fournit seulement 30% des besoins protéiques et 10 à 20% des besoins en fer, zinc et vitamine A. Les variétés de manioc contiennent également plus ou moins de cyanures (ou ses dérivés) ce qui nécessite une longue préparation des tubercules avant consommation.
Pour réduire les carences dues aux manques de protéines, de vitamines et de fer, un programme BioCassava Plus (Cassava : manioc en anglais), public-privé, est conduit par le Danforth Plant Science Institute (américain) et des organismes africains (Nigéria et Kenya). Il s’agit de développer par transgénèse des plantes de manioc qui cumulent plusieurs caractéristiques :
- Résistance aux virus,
- Diminution de la teneur en cyanure ou de ses dérivés,
- Augmentation des teneurs en protéines, en fer et en provitamine A.
Les protéines candidates pour les modifications génétiques sont la sporamine (gène de la patate douce), la protéine albumine AmA1 (gène d’Amaranthus) et ASP1 qui permet le stockage d’acides aminés.
Un autre exemple est celui du riz doré, enrichi en beta-carotène, précurseur de la vitamine A. l’objectif recherché est de réduire les carences en cette vitamine, lesquelles provoquent des cas graves de cécité.
La maturation des fruits
Dans le cas du melon et de la tomate, des variétés transgéniques à maturation retardée ont été obtenues. Ces fruits peuvent être récoltés à un stade de maturation plus avancé, ils sont donc plus savoureux. D’autre part, une meilleure conservation et une aptitude au transport améliorée réduisent les pertes. Le melon est le premier fruit génétiquement modifié obtenu par un laboratoire de recherche français. La synthèse de l’éthylène, hormone responsable de la maturation des fruits, a été en partie inhibée par l’introduction d’un gène antisens. Ainsi, le détachement du fruit est retardé et le melon maintenu sur pied continue d’accumuler des sucres. Il n’a pas encore fait l’objet d’une demande de commercialisation.
La transformation agroalimentaire
Dans ce domaine, les champs d’application potentiels sont très variés : il peut s’agir de la production de protéines impliquées dans des procédés agroalimentaires, ou de la modification de certaines propriétés des végétaux pour optimiser leur utilisation.
Ainsi, des travaux ont permis de modifier la teneur en amidon de la pomme de terre et de disposer ainsi de variétés mieux adaptées à la fabrication de fécule, de purée ou de chips. Des gènes ont également été transférés chez le colza pour modifier la teneur en acides gras ou pour obtenir des huiles contenant des acides gras recherchés en alimentation humaine.
Exemple d’amélioration des profils en acides gras appliqué au soja
Le profil lipidique de l’huile de soja ne permet pas de la conserver longtemps sans transformation industrielle. De plus, elle ne peut pas être chauffée et donc utilisée pour de la friture. Pour permettre une utilisation au four ou à la poêle, l’huile de soja ordinaire est généralement hydrogénée. Par ce procédé, on diminue la teneur en acides gras insaturés mais on induit la production d’acides gras « trans ».
Une nouvelle variété de soja génétiquement modifiée, contenant moins d’acides gras insaturés et plus stable à la chaleur, a été autorisée en 2010 par l’USDA (Département Américain de l’Agriculture). Dans ce cas, l’hydrogénation n’est pas nécessaire et cette huile présente une composition plus saine en acides gras.
L'INDUSTRIE
Les biotechnologies ouvrent de nombreuses perspectives dans divers domaines de l’industrie. Ainsi, il est possible d’améliorer les procédés industriels et la qualité des produits, et de produire de nouvelles molécules (Molecular Farming).
Les pâtes à papier
Les lignines, constituants majeurs du bois, ne peuvent pas être valorisées par l’industrie papetière. Elles doivent être éliminées par des méthodes coûteuses et très polluantes car utilisant des solvants. Des travaux conduits par la recherche publique française ont permis d’identifier les gènes impliqués dans la synthèse des lignines et de développer des variétés de peupliers transgéniques, chez lesquels le taux de lignine est fortement réduit. Le blanchissement de la pâte à papier issue de ces peupliers nécessite ainsi moins de solvants ce qui réduit l’impact sur l’environnement. Le même type de travail a été réalisé dans le cas de l’eucalyptus.
En ce qui concerne l’utilisation de l’amidon pour l’industrie des papiers, du textile et des adhésifs, les composants de l’amidon recherchés sont les amylopectines. Les variétés conventionnelles de pomme de terre contiennent 20% d’amylose qu’il faut extraire afin de ne conserver que les amylopectines. Ainsi, une pomme de terre a été génétiquement modifiée pour contenir un amidon composé presque exclusivement d’amylopectines.
Les huiles industrielles
Elles sont synthétisées à partir de matières premières fossiles (pétrole), dont les ressources sont limitées. Il est donc nécessaire de s’orienter vers d’autres ressources renouvelables. Parmi les nombreux programmes de recherche, on peut citer celui destiné à l’obtention d’un colza transgénique à haute teneur en acide gras érucique ou ricinoléique pour la production de lubrifiants, de matières plastiques, etc. Cette stratégie devrait favoriser le développement de lubrifiants et de plastiques biodégradables.
Les colorants
Un exemple original est l’obtention de cotons transgéniques de couleur grâce à l’introduction d’un gène bactérien ou végétal codant pour un pigment. Ceci évitera l’utilisation de teintures chimiques difficilement recyclables et sources de pollution. Un œillet génétiquement modifié pour lui conférer une couleur pourpre-violette a été commercialisé en Europe jusqu’en 2005.
LA SANTÉ
Génétiquement modifiées, des plantes de tabac, de maïs, ou de pomme de terre peuvent produire des molécules à usage thérapeutique ou des vaccins. Le grand avantage de la production de ces molécules est l’absence de risques de contamination par des virus et prions pathogènes pour l’homme.
Les produits sanguins
Des recherches menées en France ont permis de produire des protéines plasmatiques à partir de tabacs transgéniques, permettant l’obtention d’hémoglobine humaine recombinée. Des travaux montrent qu’il est possible de synthétiser de l’albumine humaine, employée lors du traitement des traumatismes, à partir de tabac ou de pomme de terre. Cette albumine devrait être moins chère que celle issue du plasma sanguin.
Les vaccins. Des recherches portent sur la production et la diffusion de vaccins via des fruits ou céréales. Des chercheurs ont mis au point des vaccins pour l’homme contre l’hépatite B et la gastro-entérite provoquée par la bactérie E. coli. Ces vaccins sont produits par des bananiers transgéniques et s’accumulent dans les bananes qui deviennent des alicaments.
Les protéines humaines
Des travaux sont actuellement en cours pour la production de protéines ou de glycoprotéines à usage thérapeutique à partir de diverses plantes transgéniques : soja, tabac, pomme de terre, riz ou colza. Des travaux très avancés ont été conduits en France sur la production de lipase gastrique par des maïs transgéniques. La lipase gastrique est une protéine utilisée dans le traitement de l’insuffisance pancréatique exocrine (impossibilité pour le pancréas de faire passer dans le système digestif les enzymes nécessaires à l’assimilation des aliments).
L’absence de lipase gastrique empêche le système digestif de métaboliser les lipides contenus dans la nourriture. Ce problème affecte principalement les patients atteints de mucoviscidose ou de pathologies du pancréas.
Le gène humain codant pour cette lipase a été transféré avec succès à des maïs adaptés à la production de molécules à rôle pharmaceutique.