Ressources pédagogiques de la filière semences
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Recherche et création variétale

Les sélectionneurs créent des variétés pour répondre aux besoins des utilisateurs de semences, qu’ils soient professionnels (maraîchers, agriculteurs) ou jardiniers amateurs.  Les variétés doivent donner des légumes adaptés aux marchés, en frais ou transformés (surgélation, transformation, préparation). Les gammes variétales doivent permettre de produire des légumes sur une longue période. Enfin, les légumes doivent répondre aux goûts et aux attentes des consommateurs, et elles sont multiples !

Dans les parcelles d’essais, les variétés sont observées pour améliorer leurs caractéristiques. Ici, plusieurs variétés de choux – © SEMAE / Sidney Kapuskar

LES PRINCIPAUX AXES DE RECHERCHE

Les sélectionneurs améliorent constamment la résistance des variétés aux parasites et aux maladies, mais également leur tolérance aux stress climatiques (chaleur, froid, sécheresse). Naturellement, les producteurs de légumes demandent des variétés productives. De nouvelles variétés peuvent permettre d’élargir les zones et les périodes de culture.
Des variétés sont créées pour des techniques de production comme la culture sous serre. Des caractéristiques particulières sont également recherchées pour la transformation de certains légumes (homogénéité, aptitude à la surgélation…).

Pour le consommateur, la diversité de taille, de forme, de couleur, de saveur… peut déterminer ses choix et ses achats. Enfin, pour répondre à des attentes de plus en plus affirmées, les chercheurs améliorent la teneur des légumes en composants favorables à la santé humaine.

LES GRANDES ÉTAPES DE LA CRÉATION D’UNE NOUVELLE VARIÉTÉ

La création d’une nouvelle variété est une activité qui permet aux entreprises de sélection de s’adapter en permanence. Toutes les espèces potagères sont ainsi améliorées. Voici le cas de la tomate qui fait l’objet de nombreux programmes de recherche.

La tomate, l’un des légumes fruits les plus consommés, fait l’objet d’un important travail de sélection – © SEMAE / Laurent Muratet

  • L’exemple de la tomate 

La tomate est un légume-fruit qui est l’un des plus consommé, dans de nombreux pays et sous de multiples formes. Elle intéresse donc beaucoup de nombreux sélectionneurs. De plus, la tomate s’autoféconde facilement. Il est assez simple de réaliser des croisements par pollinisations manuelles. Chaque tomate est aussi généreuse ! Elle produit plusieurs centaines de graines qui peuvent être ressemées.

  • Une demande diversifiée

La tomate offre déjà une grande diversité de forme, de couleur, de goût… Mais au-delà de cette diversité apparente, il existe des demandes très spécifiques pour les variétés de tomates :

– des variétés adaptées aux conditions de culture
Une tomate doit résister à de multiples agressions : ravageurs, maladies, températures trop froides ou trop élevées, stress hydrique… Certaines variétés de tomates doivent répondre à des conditions particulières de culture : en plein champ, sous abri froid, en serre chauffée. Ces modes de culture varient selon les régions, les pays et les climats. Une variété doit être adaptée à ses conditions de culture pour être de qualité.

Des variétés adaptées « aux goûts » des consommateurs
Les tomates fraiches sont de plus en plus demandées. En effet, la gamme variétale s’est déjà élargie avec des tomates plus grosses et plus rondes, des tomates à trancher pour des salades, des tomates anciennes côtelées rouges ou noires pour les jardiniers et consommateurs curieux. En France, ce sont les tomates « snacks », petites, très goûteuses et très sucrées, qui sont aujourd’hui les plus demandées.
Certaines tomates manquent de saveur. Ceci est souvent dû aux conditions de culture, de récolte, de conservation et de transport. Mais le goût est de plus en plus recherché. Pour les sélectionneurs, c’est le résultat d’une synthèse entre la teneur en sucres, en acides, en arômes…
Enfin, une tomate doit savoir séduire le consommateur par son apparence, sa forme, sa couleur…

– Des variétés adaptées aux conditions de transport et de transformation
Pour être présentes sur les marchés, les tomates doivent être récoltées, stockées, transportées et mises en étalage. Le mûrissement des fruits est donc un critère de sélection. Un mûrissement uniforme est dans certains cas associé à la résistance au craquellement. Ces variétés résistent mieux au transport et sont recherchées pour la transformation. Par ailleurs, des variétés à parois épaisses sont surtout utilisées dans l’industrie.

  • Les objectifs de la sélection

Pour orienter leurs travaux, les entreprises de sélection sont à l’écoute, grâce à leurs contacts et réseaux, des besoins exprimés par les maraîchers, les jardiniers, les industriels de la transformation et les consommateurs. Ils analysent les tendances sociétales, économiques et environnementales afin des créer des variétés dont les qualités répondent aux attentes. Autrefois, les variétés de tomate étaient polyvalentes. Mais les besoins sont de plus en plus précis pour les différents marchés du frais, des primeurs, du jardinage et de la transformation agro-alimentaire. Ainsi, les sélectionneurs créent désormais des variétés en fonction des usages et des marchés. Les objectifs de sélection doivent être parfaitement définis pour identifier les plantes à croiser en utilisant les variétés et ressources génétiques existantes.

  • Les critères de sélection (exemple de la tomate)

 Pour la tomate, les critères de sélection sont très variés. Voici les principaux :

– La résistance aux maladies
Pour les tomates, des gènes permettent d’induire des résistances à l’oïdium, la septoriose, le mildiou, la verticiliose, la fusariose, l’alternaria… Il existe également des résistances au virus de la mosaïque du tabac et aux nématodes. Des sources de résistances aux maladies sont recherchées par les sélectionneurs dans les tomates sauvages.

– La précocité
La précocité est un caractère important pour de nombreuses plantes. Des variétés précoces de tomates permettent un cycle de végétation assez court, ce qui est important dans des conditions froides.

– Le type de croissance
Les variétés de tomates peuvent être à croissance déterminée (qui s’arrête) ou à croissance indéterminée (qui pousse de façon continue). D’autres variétés sont intermédiaires. Le type de croissance détermine le mode de culture. Les variétés hybrides utilisées sont toutes à croissance indéterminée. Il est donc nécessaire de tuteurer les tiges car elles sont peu ligneuses et creuses.

– La forme des feuilles
Les variétés anciennes ont des feuilles découpées qui ressemblent à celles de la pomme de terre et les variétés modernes ont des feuilles plus régulières. Elles sont composées de 5 à 7 folioles, et alternées sur la tige. Les feuilles sont indispensables pour la photosynthèse. Elles sont persistantes mais les feuilles les plus anciennes ne sont plus efficaces et retardent même la croissance des fruits. C’est pourquoi elles sont éliminées au-dessus des fruits à récolter.

– La couverture foliaire
Elle protège la plante des « coups de soleil » ! Mais la lumière agit également sur la couleur des tomates, en particulier dans les types violets.

L’attachement du pédicelle
Pour certaines variétés, le fruit se détache au niveau du calice. Mais pour d’autres à pédicelle joint, un morceau de tige reste avec le fruit récolté, peut le perforer et altérer la qualité des tomates utilisées pour l’industrie alimentaire.

– La couleur des fruits
Elle résulte de la couleur de la peau et de la chair. La couleur de la chair dépend principalement des composants présents dans le fruit : le bêta-carotène pour les types orange, le lycopène pour les types rouges, le delta-carotène pour les jaunes, le phytoène pour les types verts. Plusieurs gènes interviennent pour la couleur de la chair de la tomate.

– Les zébrures des fruits
Il existe plusieurs types de zébrures vertes ou vert-sombre. Elles s’effacent ou deviennent jaunes lors du murissement.

– La texture
La texture charnue est recherchée lors de la sélection variétale. Elle est courante dans les variétés anciennes.

– Le murissement des fruits
Le collet vert foncé avant maturité de certaines variétés est un caractère associé à une meilleure qualité gustative. Par contre, d’autres variétés sont de façon uniforme de couleur vert-clair avant maturité. Leur murissement est homogène et elles peuvent être davantage résistantes au craquellement. Elles sont donc sélectionnées pour la production de tomates destinées à la transformation.

Chaque espèce potagère possède ses propres caractères et les objectifs de sélection peuvent être très variables. Les sélectionneurs sont donc souvent spécialisés sur quelques espèces qu’ils connaissent à la perfection. Ils suivent des essais dans des conditions pédoclimatiques très variées.  Ils sont le plus souvent en relation constante avec des chercheurs, des utilisateurs du monde entier et mènent des expérimentations sur plusieurs continents.

  • Utiliser les ressources génétiques

Les sélectionneurs partent des plantes qui sont les plus proches des objectifs de sélection et déterminent les caractères à améliorer. Ils utilisent des ressources génétiques constituées des anciennes variétés et populations locales de la même espèce ou d’espèces sauvages apparentées, mais aussi de variétés déjà améliorées. Elles vont servir pour des croisements permettant à la future variété d’acquérir des gènes d’intérêt.

  • Les étapes de la sélection

– Croiser les plantes
Le sélectionneur va choisir deux plantes pour leurs caractères intéressants et complémentaires. Il va les croiser selon les modes de reproduction des différentes espèces.
Pour les tomates, les fleurs apparaissent 7 à 8 semaines après le semis, et les fruits 6 à 7 semaines après. Les fleurs de tomates contiennent les organes mâles (étamines) et femelles (pistil). Les variétés modernes de tomates sont autogames, alors que les variétés anciennes peuvent se croiser spontanément avec d’autres variétés de tomates. Toutes les variétés récentes et anciennes peuvent se croiser entre elles. Pour le croisement, les sélectionneurs observent la maturité des organes sexuels des fleurs (étamines et pistils) et déterminent les plantes à utiliser comme mâles et femelles.
Pour rendre une fleur femelle, il est nécessaire d’ôter ses étamines très tôt, avant que les anthères relâchent leur pollen, ce qui provoquerait une autofécondation. Le pollen du parent mâle est récolté sur des fleurs à maturité. Il peut être prélevé sur plusieurs fleurs de la plante mâle. Les plantes femelles fécondées peuvent être protégées par un sac papier.

– Sélectionner les plantes
Le croisement de deux plantes va donner des graines qui possèdent des caractères des deux parents, mais pas de façon identique. Les semis de ces graines vont donner des plantes différentes et le sélectionneur choisit les plantes les plus conformes à ses objectifs.

– Fixer les caractères
Les plantes sélectionnées seront ensuite autofécondées, c’est-à-dire que les fleurs seront fécondées par le pollen de la même plante. Cette opération sera répétée sur 7 à 8 générations. Des essais permettent de choisir les plantes les plus proches des objectifs de sélection. Ces plantes combinent ainsi les caractères recherchés et leur patrimoine génétique sera de plus en plus homogène et stable au fil des autofécondations. La variété finale est donc une lignée dite « pure » et la variété commercialisée sera issue d’un ensemble de plantes issues de la lignée pure, dont les caractéristiques seront totalement fixées pour les caractères attendus.

– Créer des variétés hybrides

Comment créer une variété hybride ? – © SEMAE / Annick Bougerolle

Il y a de très nombreuses variétés hybrides commercialisées dans les espèces potagères. Une variété hybride est obtenue par le croisement de deux plantes (parents) qui sont des lignées pures. Les parents sont choisis pour leurs caractères précis et complémentaires. Les possibilités de croisements sont très nombreuses et les sélectionneurs testent donc des croisements pendant plusieurs années. Les plantes hybrides (appelées F1) sont très homogènes. Des croisements de plantes génétiquement différentes bénéficient de la « vigueur hybride ». Les plantes hybrides sont très vigoureuses, résistent mieux aux maladies et donnent davantage de rendements.
Contrairement à une idée répandue, les variétés hybrides ne sont pas stériles. Cependant, le semis de graines issues d’une variété hybride donne des plantes hétérogènes pour toutes les caractéristiques génétiques. Il y a eu disjonction des caractères.

L’INSCRIPTION DES VARIÉTÉS AU CATALOGUE

La recherche et le développement d’une nouvelle variété prend environ 10 ans. Il s’agit principalement du temps nécessaire pour les nombreux essais dans les stations d’expérimentation et dans les champs. Lorsqu’une variété de légume correspond aux objectifs et qu’elle a fait ses preuves dans les essais, elle est présentée au Comité Technique Permanent des Semences (CTPS) en vue d’être inscrite au catalogue officiel des espèces et variétés. Le catalogue est une garantie pour l’identification des variétés pour les maraîchers et jardiniers. Deux années d’étude sont nécessaires pour que le Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés et des Semences (GEVES) réalise les tests DHS (Distinction, homogénéité et stabilité). Lorsque l’inscription de la variété est validée, elle peut être commercialisée.